[Chronique] Un Long dimanche de fiançailles - Sébastien Japrisot

Titre : Un long dimanche de Fiançailles

Auteur : Sébastien Japrisot

Maison d'édition : Folio

Publication : 1991

Nationalité : Français

Nombre de pages : 373

Genre : Historique

Note : ✭✭✭✭✭

Janvier 1917.

Cinq soldats français condamnés à mort en conseil de guerre, aux bras liés dans le dos. Toute une nuit et tout un jour ils ont tenté de survivre. Le plus jeune était un Bleuet, il n'avait pas vingt ans.

A l'autre bout de la France, Mathilde, vingt ans elle aussi, plus désarmée que quiconque, aimait le Bleuet d'un amour à l'épreuve de tout. La paix venue, elle va se battre pour connaître la vérité et le retrouver, mort ou vivant, dans le labyrinthe où elle l'a perdu. Tout au long de ce qu'on appellera plus tard les années folles, quand le jazz aura couvert le roulement des tambours, ses recherches seront ses fiançailles. Mathilde y sacrifiera ses jours, et malgré le temps, malgré les mensonges, elle ira jusqu'au bout de l'espoir insensé qui la porte. 

On m'en a souvent parlé – peut être parce que son héroïne et moi même partageons un même prénom, ou peut-être parce que le film de Jean-Pierre Jeunet avec Audrey Tautou est tout de même bien reconnu – pourtant je n'avais jamais prit le temps de m'intéresser réellement à ce livre. Jusqu'à ce qu'on me l'offre pour les fêtes, et encore, il attend quelques mois de plus avant que je le lise pour de bon. 

 

Un long dimanche de fiançailles, est une douce et surprenante histoire d'amour, ou plutôt une quête menée par l'espoir dans l'enfer qu'ont été les années suivant la fin de la Première Guerre Mondiale. Mathilde et Manech s'aiment, mais la guerre les sépare. Il s'en va dans les tranchées, très jeune, et traumatisé, prend une décision radicale. Manech se fait tirer dans la main, en espérant retrouver sa fiancée, seulement c'est la cours martiale qui l'attend : il est condamné à mort, pour mutilation volontaire. 

 

On le déclare mort dans une tranchée, mais Mathilde est persuadée du contraire. Alors dès la fin de la guerre, Mathilde se lance dans une quête, motivée par son amour pour Manech, son fiancé disparu. D'anciens soldats en lieux que Manech aurait pu fouler, Mathilde traverse le nord de la France à sa recherche. 

 

Et c'est cela qui fait la force du roman. Cette héroïne si déterminée et si amoureuse. Et son combat contre les institutions de l'époque, contre les jugements de l'armée, contre les mensonges et les secrets des hommes et des femmes. Contre la guerre et ses pertes. Estropiée, entourée de sa famille et ses chats, Mathilde ne conserve que les souvenirs de moments passés avec Manech, et une promesse de mariage à son retour. Manech est vivant, cela lui suffit. 

 

À partir de cette conviction, Mathilde retrace le cheminement de son fiancé, à travers les tranchées. Le livre permet ainsi de peindre un survol de la tragédie du siècle précédent, et plus particulièrement les conditions de vie des soldats dans les tranchées, sur le champ de bataille, et les choix terribles qu'un tel événement peut amener les hommes à prendre ; sans parler des conséquences physiques et mentales de la guerre sur les soldats. 

 

D'abord la violence et la mort vue de trop près, qui rend les soldats fous ou tellement désespérés qu'ils sont désormais prêts à perdre un membre si cela peut leur laisser entrevoir une porte de sortie. C'est notamment ce qui pousse Manech à commettre son geste. Mais pas de porte de sortie pour les désespérés, les dégoûtés, seulement la mort, qu'on relègue à leurs camarades, où aux allemands. 

 

Mais c'est au fur et à mesure de l'enquête de Mathilde que l'on se rend compte que la première guerre mondiale est une guerre totale. Une fille perd son fiancé, d'autres leurs maris. Plusieurs enfants se retrouvent sans père. Des soldats perdent une partie d'eux même, plus ou moins visibles, jusqu'à la vie. Puis finalement, les répercussions sur ceux qui décident de s'en prendre aux hauts-gradés, à l'armée, par vengeance. 

 

Mathilde c'est le désir de tous de découvrir la vérité derrière la guerre, c'est l'espoir qui ne meurt jamais chez certains, la soif de savoir d'autres. Manech c'est l'espoir d'une fin proche, et la jeunesse meurtrie. Tous deux sont les amants séparés par le conflit, que seuls l'amour et le souvenir maintiennent en vie. 

 

Avec un style efficace, beaucoup de lettres, beaucoup d'échanges, Un long dimanche de fiançailles conclus son histoire par une fin d'une beauté sensationnelle, presque frustrante, mais cependant pleine d'espoir.